" ON VA Y ARRIVER " WE’RE GONNA MAKE IT. JEAN JACQUES MILTEAU SEXTET.
Blues and Soul, c’était une soirée Blues and Soul.
Dès les premiers riffs d’harmonica de Jean Jacques Milteau, le public est vite un peu "blues" et un peu saoul, (oh pardon) "soul", tant cette musique fait chavirer les cœurs.
Temps clair, vent fort, front chaud, qui nous vient des Etats-Unis là, où il y a cent ans, était gravé le premier disque de jazz de musiciens venus de Nouvelle Orléans.
Tangage assuré toute la soirée, dans les travées ça balance au rythme des accords de Manu Galvin à la guitare, de Gilles Michel à la basse et Eric Laffont à la batterie. Une petite invocation aux accents gospel portée par les voix chaudes de Michael Robinson et Ron Smith et c’est parti pour une heure trente de voyage, de "route" du coté de Memphis.
L’harmonica, c’est le vrai compagnon de ceux qui font la "route", il se tient dans le creux de la main, et se loge dans la poche du pantalon. Il véhicule beaucoup du mythe américain, mais on le dégaine avec précaution, et on le tient contre soi, tout contre ses lèvres, au point de les meurtrir, ce qui lui valu son surnom de "ruine babines".
Jean Jacques Milteau c’est la rencontre d’un homme, d’un instrument, et d’une légende du blues : Sonny Terry. Après lui bien d’autres sont venus peupler son imaginaire toujours dédié à cette musique qu’il aime depuis tant d’années. Il nous confie : "cette musique est une musique universelle parce que c’est une musique d’espoir", et d’enchainer avec une chanson au titre évocateur, We’re gonna make it, On va y arriver.
Rock n’ Roll will never die, c’est sur, l’applaudimètre confirme. Cette musique vivra tant qu’elle sera servie par de tels musiciens. Down the Mississippi, Higher and Higher, Will you come, suivent, des thèmes irrésistibles qui soudent la salle et la scène.
Pour avoir tant fait la route, Jean Jacques Milteau en a gardé une grande ouverture aux autres. Il lance Sunrise Peacefully pour nous rappeler la permanence des détresses, des exils, des migrations.
La musique qu’il nous livre est faite pour lier les hommes, une musique qui vous ramène aux sources du folk, du country blues, des Josh White, Big Joe Williams, Sony boy Williamson …
"On va y arriver", la preuve est faite, visages hilares, regards ébahis, après trois bis, c’est une véritable ovation que font les spectateurs au "Jean Jacques Milteau Sextet" avant de quitter la salle à regret.
Christiane PICHON
"LES CHOSES DE LA NUIT ".
de Jacky Terrasson et Stephane Belmondo.
C’est un exercice en chute libre, ou au bord de la piste d’envol pour le public: "Dès les premiers accords, ils m’ont embarqué et d’ailleurs je crois que je n’ai pas encore atterri". Comme ce spectateur conquis beaucoup ont suivi Stephane Belmondo et Jacky Terrasson dans le parcours de leur univers musical; ils étaient nombreux au rendez vous, le concert affichait complet depuis plusieurs jours.
Pas de titres, pas de fioritures, pas d’anecdotes. C’est un concert de musique sans paroles. Avec peut être un message subliminal à l’adresse du public : "débrouillez vous" on n’a rien à vous dire, on a juste à vous faire entendre de la musique de jazz. Un jazz parfois déroutant, un jazz où l’improvisation explose à touts moments entre piano et trompette.
C’est une musique qui pratique l’alternance, le chaud et le froid. Quand Jacky Terrasson plaque ses accords et nous plaquent avec, Stephane Belmondo est là pour nous recueillir, et le souffle de sa trompette vient nous dire, fais moi confiance ou plutôt faites nous confiance. Car les deux musiciens ont lié un pacte d’union libre. Libres d’aller et venir chacun dans son registre, de vivre sa vie d’improvisateur, et puis de s’attendre, se rechercher, se retrouver et d’exulter ensemble.
Jacky Terrasson approche parfois son clavier tel un fauve les doigts recroquevillés comme des griffes prêtes à arracher aux touches de gré ou de force ses notes, celles qu’il veut coute que coute. Et quand elles lui ont donné ce qu’il cherchait, on entend des petits râlements de plaisir comme avant lui, Keith Jarett. Puis il se calme pour laisser une paume renversée, caresser avec délicatesse les touches malmenées.
Par courts instants ils décident de nous remettre un peu dans les rails des choses connues, ils nous jouent comme un baume une "Marseillaise" transfigurée, et dans un excès de bonté ils nous laissent tomber quelques "Feuilles mortes" que l’on ne ramasse pas à la pelle, car il ne faudrait quand même pas trop s’attendrir; des accords de trompette magnifiques et trop vite envolés, mais on n’oubliera pas leur contribution à la mémoire de Prévert et Cosma.
Tout n’était donc pas que bruits fureurs et châtiments, Stéphane Belmondo vint à plusieurs reprises vers nous avec beaucoup de douceur nous donner sa version du thème de la musique du film "Les choses de la vie" chanté par une actrice mythique qui disait…"tu ne m’aimes plus"… sur une musique de Philippe Sarde.
"Les Choses de la vie" devenues les "Choses de la nuit" le temps d’un concert aux Jardins de Rospico.
Christiane PICHON
Stéphane BELMONDO pose sa trompette et son bugle sur le canapé de la loge et prend la photo !!!
JULIE SAURY FAIT SWINGUER MAXIM.
Elle a mené son projet à son terme avec succès Julie Saury: honorer la longue carrière de son père Maxim Saury fameux clarinettiste, soixante ans de carrière dédiée au jazz.
Elle dit avoir grandi avec le jazz traditionnel, voulu s’en éloigner et y revenir.
Et de quelle manière ! La démonstration est faite, en chef de clan, derrière sa batterie, elle livre un jazz traditionnel revu et transformé. Toute la magie d’un Swing d’aujourd’hui, avec des ornements, des arrangements, introduits par des musiciens ingénieux et talentueux.
Elle nous donne l’impression d’avoir adoré ce projet, et elle a bien raison. Dès les premiers instants Julie Saury donne l’impulsion à un style, et le public adore quand, dès les premiers accords, on sent que ça passe, ça s’installe, ils y sont, et on y est.
Silence on joue, pam pam , pam, pam pam, quelques frappes de caisse à petite dose, et qui entrainent de manière subtile, Aurélie Tropez à la clarinette, Shannon Barnett au trombone, Frederic Couderc au saxophone, Philippe Milanta au piano, Bruno Rousselet à la contrebasse. Les plus anciens ont joué avec Maxim, et le tout fait une excellente formation, où les originalités se fondent pour la cause commune: faire de la bonne musique.
Ils ouvrent la session en enchainant Sweet Georgia Brown, Moppin and Boppin, Basin Street blues, pour démontrer que l’on sait allier jazz traditionnel, et interprétation contemporaine .
Et pour Saint Louis Blues, sur scène tout s’emballe, fantaisie, frénésie, et imagination au pouvoir.
Fréderic Couderc nous propulse dans une ambiance tropicale. L’homme aux deux saxos n’est pas manchot, sous son bras, autour du cou, pend un inventaire d’instruments à la Prévert, des appeaux, un Swanny sax et d’autres bizarreries que l’on ne sait pas identifier mais qui parviennent parfaitement à nous plonger dans l’atmosphère tropicale des Bayous. C’est une musique qui, pour peu que l’on adhère au principe de libre adaptation, étonne, et fait plaisir.
Et puis il y a eu les petites pauses "charme" lorsque Shannon Barnett délaissant pour un temps son trombone, s’empare du micro pour chanter des ballades comme Together.
Julie Saury voulait une rythmique sublimée par les talents de ses partenaires. Pour la rythmique pas de problème, elle percute. Pour le reste mission accomplie. Julie Saury Sextet: une formation originale, élégante, créative, pour le jazz et FOR MAXIM.
Christiane PICHON
"DU BOUT DES LEVRES "d’Angelina Wismes : un hommage à Barbara.
Et à beaucoup d’autres grands noms de la chanson française.
Une formation minimaliste : une voix, un piano. Une voix forte pour servir de grands textes entendus depuis des générations. Angelina Wismes puise dans le répertoire de ses ainés avec l’ambition de nous rappeler qu’une jeune interprète de notre époque est capable de s’attaquer à ce patrimoine musical pour en livrer une version toute en fraicheur et émotion.
Rien de linéaire dans son tour de chant, c’est un hommage reprenant une douzaine de succès de Barbara auréolé des textes de grands compositeurs: LA MARCHE NUPTIALE de Georges Brassens, le p’tit COMME UN PETIT COQUELICOT de Mouloudji et en ouverture de concert le PARIS d’Edith Piaf,
Son hommage à la grande chanteuse disparue il y a vingt ans, reste classique, porté par un timbre de voix juvénile et puissant et ne trahit rien de l’univers poétique de Barbara.
Elle ne connait pas toute sa Bretagne qu’elle aime et qu’elle vante, et le site des "JARDINS DE ROSPICO " est une découverte qui l’enchante, dans tous les sens du terme. Le lieu idéal pour fredonner "ce pays est un rêve ou rêvent mes saisons" de la chanson MA MAISON.
Il y eut bien sur "RAPPELLE TOI BARBARA" et tous les bretons de Brest même et d’ailleurs ont vibré en entendant "il pleuvait sans cesse sur Brest...cette pluie sage et heureuse sur ton visage heureux, sur cette ville heureuse…"
Et GOTTINGEN dont Daniel Roca, le pianiste accompagnateur d‘Angelina eut la bonne idée de nous décrire les circonstances de sa création.
Et puis elle a franchi la barre de Port Manech pour voguer vers le Liban et honorer la grande Feirouz et son "HABAYTAK" remarquablement interprété, se jouant des psalmodies orientales, sans jamais tomber dans les clichés.
Curieux mélange de personnalité, Angelina Wismes n’est pas formatée, elle est allée d’elle même vers ces textes des grands auteurs, son environnement familial étant plutôt marqué par la génération Hendrix.
"DU BOUT DES LEVRES", et du fond du coeur, une Angelina presque au bord des larmes.
Christiane PICHON